Festival BACH de lausanne
Baroque Academy

Editorial 2025

« À PROPOS DES ŒUVRES ET DE LEURS INTERPRÈTES »

Ces grandes œuvres qui nous ouvrent au monde

La Messe en si, testament musical et synthèse du génie de Bach, puise jusqu’aux sources mêmes de la déjà prodigieuse écriture de la Renaissance. Malgré son titre et sa forme liturgique, elle n’est pas destinée à l’office. Pour autant, l’auditeur ne peut être que touché, bouleversé par sa nature profondément spirituelle.
Après les inoubliables prestations de Marc Minkowski et des Musiciens du Louvre (2013), de Stefan Gottfried avec le Concentus Musicus Wien et le Chorus sine nomine (2021), également celle de Gianluca Capuano et des Musiciens du Prince-Monaco avec Il canto di Orfeo pour le Gloria in excelsis Deo, BWV 191, extrait de la Messe en si (2023) (à retrouver sur YouTube), nous attendons impatiemment la version d’Andrea Marcon et de La Cetra Barockorchester & Vocalensemble Basel. (concert 1)
Le Messie, l’œuvre la plus célèbre de Haendel, tient une place unique dans ses oratorios. Cette œuvre hautement personnelle s’écarte du modèle habituel. Ici, l’esprit religieux, édifiant, se manifeste dans sa forme la plus sublime, en racontant la vie de Jésus. Mais le Messie n’a pas plus de fonction liturgique que la Messe en si. Le caractère universel du message de Haendel, autant profane que sacré, dans un esprit d’humanisme, échappe aux classifications. Par leur pathos et leur éthique, ces œuvres font partie des idéaux de l’humanité.
Après la version incandescente de Monica Huggett et de l’Irish Baroque Orchestra avec le Chœur Resurgam (2015), nous sommes persuadés que Hans-Christoph Rademann et le Gaechinger Cantorey nous offriront une interprétation des plus émouvantes et vivifiantes. (concert 3)

Oratorio de la Passion

Après le vif succès auprès de notre public, en 2017, de la Köthner Trauermusik, BWV 244a, Alexander Grychtolik revient cette année avec l’Oratorio de la Passion, BWV Anh. 169. Grâce à ses grandes qualités de bâtisseur, le musicien propose une œuvre nouvelle, faite d’œuvres existantes de Bach, tout en complétant les parties manquantes, perdues ou laissées inachevées. Musicien accompli, musicologue et architecte, Alexander Grychtolik a une grande expérience dans ce travail de recherche particulièrement complexe et épineux, dont témoigne son travail sur plusieurs cantates, les BWV 36a, 66a, 205a, 210a, 216a, et 249a. Ainsi sommes-nous appelés à découvrir « un nouvel oratorio de Bach ».
Les interprètes invités sont tous de remarquables chanteurs solistes, de même que l’excellent Il Gardellino Orchestra. Nous avons par ailleurs le grand plaisir de vous annoncer que son hautboïste, Marcel Ponseele, a reçu en 2025 la Bach-Medaille de la part de la Ville de Leipzig : nos très chaleureuses félicitations ! (concert 5)

Le monde merveilleux des précurseurs de Bach

Avec son ensemble Concerto Scirocco, bois, cuivres, cordes et voix, tous musiciens exceptionnels, Giulia Genini, pluri-instrumentiste de bois historiques, nous propose d’explorer les splendeurs musicales de La Sérénissime. Le madrigaliste Carlo Gesualdo, contemporain de Monteverdi, témoigne que la Canzone ou « chanson à jouer », au rythme jaillissant en spirituoso, était exécutée dans toutes les rues de Venise. Ce programme offre également de superbes polyphonies mêlant les voix aux instruments. Savourons ainsi des phrasés et des articulations vivantes, de délicieuses notes inégales ou de succulentes diminutions, dans un alliage parfait de finesse et de virtuosité. (concert 2)
Élégante rhétoricienne, Marianne Beate Kielland incarne une tragédienne exprimant l’amour et la mort, mais aussi l’espérance, sur la basse obstinée du thème Lamento, sacré ou profane. L’ensemble Oslo Circles s’est notamment spécialisé dans la musique du Seicento, grande période de fameux compositeurs en vogue, au cœur des XVIe et XVIIe siècles en Italie.
Maria Ferré est née rythme ! « Rock » ou « Ba’rock », elle nous vient avec son grand et noble théorbe et sa guitare espiègle pour un vaste et irrésistible panorama des auteurs des « Goûts réunis ». Laissez-vous charmer par la « musique à danser » ! (concert 7)

 « Baroque en fusion : baroque en fête »
Sonja Runje, l’une des plus grandes voix d’alto sur la scène actuelle de l’opéra baroque, d’une rare intensité de couleur, interprètera de superbes pages de Cavalli, Leonardo Vinci, Bach et Haendel.
La Ciacona « Mein Freund ist mein » provient d’une cantate tirée du texte du Cantique des cantiques de Salomon. Des musicologues américains signalent que c’est l’une des œuvres les plus belles et les plus sensuelles, les plus érotiques même, de toute la musique allemande avant Bach, relevant en particulier le dialogue avec le violon solo, passionné et expressif, varié 66 fois sur le thème du Lamento. Cette pièce nous procurera une vibration profonde. L’auteur de cette œuvre étonnante n’est autre que Johann Christoph Bach, le grand-oncle tant admiré du jeune Johann Sebastian. Dans la lignée de Schütz, la production de Johann Christoph reflète une influence italienne certaine, tout en conservant ses racines germaniques.
Autre point fort de ce concert : on découvrira le brillantissime Croatian Baroque Ensemble, dirigé par Aapo Häkkinen, chef du Helsinki Baroque Orchestra, régulièrement invité au Festival Bach. (concert 9)

Chefs-d’œuvre de Bach pour instrument seul

Le titre original des Variations Goldberg est « Aria avec quelques variations pour clavecin à deux claviers ». Ce recueil (1741) d’une impressionnante densité contrapuntique, inaugure la série des grandes œuvres monothématiques, L’Offrande musicale (1747), les Variations canoniques pour orgue (1747/48) et L’Art de la fugue (1742 à 1749). Mais ces variations réalisent en même temps une synthèse de formes diverses : duos, trios, gigues et autres danses, fugues, toccatas, ouverture à la française, choral orné cantabile, quodlibet, etc. L’œuvre exige, non seulement virtuosité, mais aussi raffinement technique des plus recherchés.
Après avoir eu, lors de la toute première édition du Festival Bach, trois différentes interprétations des Variations Goldberg, – « une bombe baroque à Lausanne ! » avait dit la claveciniste Christiane Jaccottet, – en trois concerts donnés par Kenneth Weiss, Pierre Hantaï et Davitt Moroney, nul doute que le formidable interprète qu’est Mahan Esfahani est gage d’une performance incomparable, ébouriffante ! (concert 4)
Dans les Sonates et Partitas pour violon seul se succèdent trois paires de sonates et de partitas. Le violon fut, avec l’orgue notamment, l’instrument favori de Bach. Ce recueil témoigne de la part de son auteur d’une haute connaissance du violon en tant qu’interprète. La technique instrumentale relève ici d’une si haute virtuosité que l’on a pu parler de l’« Everest des violonistes ». À la suite d’autres compositeurs, c’est Bach qui est allé le plus loin en développant avec ce petit instrument, sans accompagnement, une écriture polyphonique d’une incroyable complexité et d’une force dramatique inouïe.
Deux interprètes se partagent les Sonates et Partitas, autant de véritables défis. Sue-Ying Koang, au talent et à l’intelligence suraigus, au tempérament fougueux et sensible, à fleur de peau. (concert 8) Et Théotime Langlois de Swarte, étoile montante du monde baroque français, conjuguant un élan jeune, irrépressible et une remarquable perspicacité analytique. (concert 10)

À nos auditeurs

« Le temps me manquant, je vous dirai beaucoup de choses en peu de mots », c’est ce que Bach, inlassablement occupé par son travail, écrit à son cousin, le 6 octobre 1748 (Bach-Dokumente, I/49). Bach ne nous a ainsi quasiment rien laissé en termes d’arguments, d’explications, d’intentions relatives à ses œuvres. Il serait dès lors illusoire de vouloir expliquer son art, même en se référant aux développements actuels de la recherche musicologique ou en s’ouvrant aux découvertes les plus récentes de documents historiques.
Ne nous reste plus qu’à interroger l’essence propre de ses œuvres… Et surtout à écouter les différentes propositions des interprètes qui, année après année, édition après édition, hissent le niveau artistique de notre festival.
Par ailleurs, pour encore mieux apprécier le « phénomène Bach », nous vous proposons de nous plonger dans les œuvres de ses précurseurs, de ses prédécesseurs directs et de ses contemporains.
L’émotion que procurent les concerts ne tient pas seulement à la valeur intrinsèque de l’œuvre et à la qualité des interprètes. À cette double alchimie, s’en ajoute une troisième, tout aussi essentielle : l’auditeur, captivé, conquis, subjugué…
À toutes et à tous, nous souhaitons une très belle 27e édition du Festival Bach de Lausanne !

Kei Koito
Fondatrice & directrice artistique du Festival
kei-koito.com

 

Outre les notules de Daniel Robellaz,
les biographies et les commentaires personnels des artistes,
également leurs vidéos, sont à retrouver sur notre site  www.festivalbach.com.