Des cinq Passions que Bach met en musique, seules les Passions selon Jean et selon Matthieu nous sont parvenues intégralement. De la Passion selon Marc, ne subsiste que le texte de Picander, et celle selon Luc, autrefois attribuée à Bach, est due à un compositeur resté anonyme. Basé sur le même plan formel que l’Oratorio de Pâques, l’Oratprio de la Passion est une œuvre reconstituée par Alexander Grychtolik, à qui l’on doit la reconstruction d’œuvres telles que la Köthener Trauermusik, ainsi que de six cantates que Bach avait laissées inachevées. L’œuvre poétique de Picander, de son vrai nom Christian Friedrich Henrici (1700-1764), est indissociable de la production musicale de Bach. Leur collaboration devait durer près de vingt ans. Elle concerne une cinquantaine d’ouvrages, dont la Passion selon Matthieu et nombre de cantates sacrées et profanes (entre autres, les Cantates dites «du café» et «des paysans»). Le texte de l’Oratorio de la Passion est dû à un Picander influencé par le poème de la Passion de Barthold Heinrich Brockes (1680-1747) qui inspira notamment Reinhard Keiser, Haendel et Telemann pour leurs Brockes-Passion respectives. Tout en reprenant des fragments de diverses œuvres de Bach, arrangeant certaines parties (chœurs, airs, chorals) et composant l’intégralité des récitatifs, Alexander Grychtolik explore et nous révèle un nouvel aspect de l’esthétique de la Passion de Bach. La création mondiale de ce fascinant ouvrage selon-Bach-selon-Grychtolik, a eu lieu en 2023. Fort de ses 33 mouvements, soit l’âge du Christ à sa Crucifixion. Il est donné ici en première suisse.
Daniel Robellaz