Venise, porte d’entrée Occident/Orient, lieu de tous les imaginaires, de tous les croisements possibles, intellectuels, artistiques, commerciaux, politiques. Et bien sûr, l’une des capitales musicales de cette Europe du XVIIe siècle baroque. San Marco n’était pas l’unique centre musical de la Sérénissime. Essentiellement consacrée à la glorification du Divin, la puissante institution des Scuole Grandi y faisait la part belle aux musiciens en accueillant régulièrement les Gabrieli, Grandi, Picchi, Croce, Rovetta et d’autres maîtres. L’une des plus riches, la Scuola Grande di San Rocco, fondée en 1480, se distinguait par ses cérémonies majestueuses accompagnées d’une musique glorieuse et avant-gardiste. La stabilité des salaires mensuels et leurs possibles augmentations attiraient particulièrement les professionnels. Notamment Giovanni Picchi, né à Venise en 1572, organiste, luthiste, compositeur, sans doute élève de Croce. Candidat malheureux au poste d’organiste à San Rocco à la mort de Giovanni Gabrieli, il conteste fortement le résultat du concours, au point que la Scuola Grande dut en organiser un nouveau, mais il refusa d’y participer. Le compositeur entretenait des liens plus pacifiques avec les familles nobles vénitiennes contribuant à diffuser son œuvre. Dans ses Canzoni da Sonar, dédiées à un chef des armées de La Sérénissime, on trouve à la fois le grand et rigoureux héritage des Gabrieli et la fantaisie du Stil Moderno, avec des double-chœurs et des ensembles plus petits, dans lesquels Picchi maîtrise totalement l’utilisation des timbres instrumentaux.
Daniel Robellaz