La Johannes-Passion aura connu pas moins de quatre versions. La première, composée quelques mois seulement après la nomination de Bach au poste de cantor de l’église Saint-Thomas et de directeur de la musique de Leipzig, est créée le Vendredi saint de 1724 à Saint-Nicolas dont il avait aussi la charge, alors que la dernière version date de 1749. Comme le stipulait le règlement édicté par le Conseil municipal, Bach n’était censé composer que de la musique « non théâtrale ». Tout au contraire, cette Passion, chef-œuvre puissamment dramatique et de haut lyrisme, s’ouvre avec une page que Wagner appelait « le Thaumaturge de la musique », qui se trouve être parmi les plus inspirées et les plus habitées de théâtralité d’un compositeur pour qui l’art musical est d’abord un art du discours, de la rhétorique, de la parole. Après la mort de Bach, on ne trouve nulle trace d’exécutions de la Passion selon Jean à Leipzig. C’est Félix Mendelssohn qui ressuscite l’œuvre en 1833, à la suite de sa triomphale re-création de la Passion selon Matthieu, à Leipzig, quatre ans plus tôt. Pour la Johannes-Passion, Mendelssohn s’était appuyé sur le travail de son ami Robert Schumann qui avait procédé à quelques retouches instrumentales : ajout de clarinettes et substitution d’un pianoforte au continuo en lieu et place du clavecin, entre autres. C’est dans ce nouvel habillage que l’œuvre allait être régulièrement donnée, durant quelques décennies, du moins en Allemagne. La version de ce soir fusionne les versions de 1724 et 1749.
Daniel Robellaz